Lire en prison - présentation de 2 élèves de la maison d’arrêt de Grasse

Mardi 27 octobre 2020

Chaque année, parmi les classes participant au Goncourt des Lycéens, on en trouve une ou deux dont les élèves ne sont pas tout à fait des lycéens, mais ils n’en sont pas moins des lecteurs avisés. C’est le cas, cette année, des élèves-lecteurs de la maison d’arrêt de Grasse. S’ils n’ont pas la possibilité d’accéder à internet (et donc de pouvoir lire le Journal), ils nous ont néanmoins adressé plusieurs textes, et c’est avec plaisir que nous les partageons avec vous.

A la maison d’arrêt de Grasse, nous formons un petit groupe d’adultes qui, durant ce temps si particulier de la détention, participons au Goncourt des Lycéens.

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En guise de présentation, voici deux portraits de lecteurs :

Reynald

La magie de la lecture

Mon approche de la lecture est arrivée assez tardivement, vers 27 ans, grâce à ma femme. A l’époque, je vivais sur un voilier sans électricité et ma copine de l’époque (devenue aujourd’hui ma femme), m’a prêté le premier tome de Harry Potter. A peine commencé, j’ai été pris dedans et chaque jour j’avais hâte de débaucher pour continuer la lecture. J’ai avalé les 6 tomes en deux semaines et depuis, j’ai aujourd’hui 42 ans, je ne peux pas me passer de lire avant de dormir, pas mal de science-fiction, des autobiographies, des thrillers, des ouvrages sur les civilisations passées, sur la science, bref, un peu de tout.

Gilles

Lire par rébellion

Mon rapport à la lecture est aujourd’hui de l’ordre de la passion, au-delà d’un simple centre d’intérêt.

Etant issu d’un milieu ouvrier prolétaire, l’intellectuel est quelqu’un de « mal vu » dont on se moque car pris pour une personne rêveuse en dehors des réalités de la « vraie » vie.

Quant à moi, malgré des relations très proches avec un de mes cousins qui lisait assidument et me poussait à le faire, mes activités de sportif de haut niveau plus l’école ne me laissaient que peu de temps et d’énergie pour m’y adonner. Je pensais que l’enseignement distillé par l’école suffirait à me cultiver suffisamment… Espoir illusoire… Malgré déjà, en 4e, puis en 3e, un professeur de français extraordinaire, grâce à qui j’eus des révélations pour Charles Baudelaire, Victor Hugo et de nombreux auteurs, surtout pour la poésie.

Puis le temps passant, je rentre dans le milieu du travail, en usine évidemment et n’y trouve pas ma place, au grand dam de mon environnement familial. C’est alors que par rébellion, je me suis tourné vers tout ce qui m’attirait, tout ce qui me parlait, faisant enfin le choix de me respecter moi-même en m’intéressant à la lecture, la philosophie, la poésie mais aussi toutes formes d’arts (peinture, sculpture etc…) dans lesquelles je trouvais une forme d’humanité que je n’avais qu’effleurée jusqu’alors. Je changeai également d’orientation en devenant éducateur spécialisé, métier où je pus rencontrer des personnes avec qui partager mes passions et en découvrir d’autres, comme la psychologie, entre autres.