Ecriture dans les « blancs » de S’il n’en reste qu’une

Une nouvelle scène dans le roman de P. Franceschi
Mercredi 3 novembre 2021

Garance est élève à l’Ecole européenne de Bruxelles IV. Elle a relevé le défi de la critique créative : écrire, pour se saisir du roman. Elle a souhaité « remplir les blancs du texte » : elle a inventé un épisode qui se situe juste avant l’attaque subie par Rachel, la journaliste. C’est un moment de repos, mais aussi un moment de tension entre les trois femmes. Garance propose alors un changement de regard : ce sont les femmes kurdes qui observent la femme occidentale.

La femme. Rachel. Rukan n’avait jamais vu une femme pareille.

Ou peut être que si. Mais ces mémoires s’étaient effacées.

Plus vieille qu’elle -les rides sillonnaient son visage-, plus faible -elle avançait plus lentement-, mais avec un air curieux et déterminé à la fois, en permanence. Comme si tout était intéressant.

Azadé ne disait rien là-dessus, mais elle savait qu’elle pensait la même chose. Elles pensaient presque toujours la même chose. Et à l’ordre du jour : cette journaliste australienne les comprenait, presque.

Une routine si étrange pour certains. Cette femme l’observait et tentait de la comprendre. Elle ne parlait pas leur langue, mais elle se retrouvait dans cette atmosphère.

Ou pas.

Rukan finit d’installer son lit, et s’allongea, près de Rachel et Azadé. Les yeux de la journaliste étaient encore grands ouverts, tentant de tout voir en même temps.

Mais quoi ? Il faisait nuit.

- Good night, souhaita Azadé à voix basse.
- Good night, répéta Rukan.
- Night, night.
- Good night !

Les mots paraissaient étranges, et Azadé et Rukan échangèrent un regard rieur, devant le sourire perplexe de la journaliste. Puis, Azadé lança un dernier "good night", avant de se rouler en boule, s’endormant en quelques instants. La journaliste fit mine de dormir, elle aussi -mais Rukan pouvait presque voir les pensés s’agiter sous son front. Rukan ne prétendit même pas. Elle fixait le plafond de la grotte. Mauvais pressentiment. Ça ne trompait pas. Mais, comme chaque fois, elle préférait l’ignorer, faire comme si elle ne savait rien, laisser la nuit avaler ses angoisses.

Chaque fois, le réveil était brutal.

s’il n’en reste qu’une Franceschi