L’envol de la plume : L’emprunt de ces mots qui me créent

Vendredi 19 février 2021

J’ai enchaîné les livres, lu, lu, lu et j’ai toujours été surprise. D’un passage d’un livre à un autre je tirais l’étonnement d’un style linguistique différent mais à chaque fois complet, abouti. J’ai plongé dans les phrases et les remous des mots sans même m’en rendre compte, facilement captivée grâce à mon âme submersible et j’ai été interpellée. Y’a-t-il autant de styles que d’individus ?

Mais moi, moi, mes mots ne me sont pas propres, ce sont des fragments d’autres vies. Pourquoi mes mots ne sont qu’une pâle copie de ceux des autres quand les leurs transpirent la singularité ? Bien sûr, être écrivain n’est pas anodin et l’expérience forge très probablement l’affirmation.

Mais l’influence dans tout ça ? L’influence est-elle si différente de l’influence artistique ? Les mots sont pourtant d’usage commun, ils sont partout, tout le temps, alors l’écrivain oscille-t-il entre art et quotidien ? Conserve-t-il la fragilité de celui qui recherche sa particularité de langage ? Se forger en apprenant des autres permet-il de se créer de telle sorte qu’on puisse ajouter nos découvertes à notre singularité ? Comment se libérer des autres, se correspondre assez, se satisfaire si bien que les caractéristiques extérieures à nous ne nous attirent pas ?

Si l’humain évolue chaque jour et avec lui son état propre et son style, l’influence extérieure entre peut-être en jeu ; on se construit grâce aux autres. Mais l’artiste a toujours ce petit je-ne-sais-quoi, sa signature, qui fait qu’on ressent que l’œuvre, la phrase, vient de lui. C’est là où l’écrivain est fort, très fort.

Écrire et lire, c’est pour moi la démarche d’une évolution. Je suis fascinée par la grandeur de celui qui écrit. Quelle force d’expression que de regarder les autres pour s’inventer sans copier. Enfin copier, ça ne veut pas dire grand-chose. Mais quand les phrases d’autrui tournent en boucle dans la tête, s’en servir c’est courant, s’en détacher c’est fort, se les approprier c’est grand. C’est d’ailleurs peut-être un don, une faculté, les mots. Mais peut-être ai-je lu des auteurs qui n’avaient pas cette faculté et ont cheminé plus longtemps pour trouver leur style. Quelle source d’espoir pour moi qui cite les phrases en croyant quelques secondes que je les ai inventées, moi dont toute la réflexion ici est exprimée avec des phrases ou des bribes de phrases lues et entendues plus tôt, moi dont les expressions changent du tout au tout en quelques minutes.

Tout cela n’avait pas de but précis, en témoigne l’acheminement maladroit et pas très structuré. Chaque découverte d’auteur et de style a été un chouette voyage au cœur de l’humain. Et se sont installées sous ma cage thoracique cette admiration et ces questions qui tournaient en moi, quoi de mieux pour extérioriser une réflexion sur l’écriture qu’en l’écrivant ?

Et je crois que poser les mots a transformé mes interrogations en force. Oui, je crois que poser les mots a transformé ma fascination en aspiration. Aspirer à être soi grâce aux autres, c’est fascinant n’est-ce-pas ? J’ai été heureuse et touchée de voir et de découvrir tant de singularités en de simples lectures.

Merci à ceux qui me prêtent les mots pour réfléchir, pour m’exprimer. Cet emprunt durera le temps qu’il faudra…jusqu’à ce que ces mots deviennent miens.

Par Judie, classe de terminale HLP du Lycée Charles et Adrien Dupuy, au Puy en Velay